Soumis par Dru Oja Jay le
8 juillet 2019, Montréal
Dans un rapport publié aujourd'hui, le Groupe ETC révèle de graves partis pris et conflits d'intérêts chez les membres du groupe d'experts réuni par la très influente UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), le plus grand organisme international à convoquer les mouvements de conservation.
Le forçage génétique est l'un des principaux sujets abordés par l'étude produite par le groupe d'experts ; cette nouvelle technologie très puissante est utilisée, entre autres, pour tenter de faire disparaître certaines populations naturelles, voire des espèces entières, et ce en utilisant le génie génétique. Le forçage génétique a été jusqu'à présent principalement développé chez les instectes et les mammifères. Cette technologie d'extinction pourrait accélérer la débâcle écologique des insectes et de nombreuses autres espèces à reproduction sexuée.
Jim Thomas, co-directeur exécutif du Groupe ETC, explique ce que suit : « Avec 40% des espèces d'insectes en déclin, il est incompréhensible que l'un des plus grands et des plus anciens organismes de conservation au monde ouvre la porte au soutien actif apporté à une technologie d'extinction aussi délibérée ».
« Il est inacceptable que l'UICN ait permis aux promoteurs du forçage génétique de s'imposer dans la rédaction de ce rapport ».
Les conclusions de l'étude de l'UICN suggèrent que la technologie d'extinction pourrait être utilisée à des fins de conservation. Au vu de la partialité des auteurs et des graves lacunes du groupe chargé de l'élaboration de cette étude _ détaillée ci-dessous _ les membres de l'UICN devraient rejeter ce projet.
Plus de 50% de partis pris : Sur la quarantaine de personnes associées au rapport, plus de la moitié font montre d'un parti pris préexistant en faveur des biotechnologies et/ou d'un conflit d'intérêts potentiel.
Les groupes d'intérêt de la biotechnologie jouent de leur pouvoir : trois groupes d'intérêts favorables à la biologie synthétique semblent avoir eu une influence disproportionnée sur la rédaction de cette étude. Au moins 15 membres du groupe (y compris le président du groupe de travail et le groupe technique) seraient employés par ou associés à Revive and Restore (un groupe de conservation de biologie synthétique) ou encore à deux projets de forçage génétique s'élévant à plusieurs millions de dollars : le Genetic Biocontrol of Invasive Rodents Project (GBIRd ) et Target Malaria.
Les critiques se taisent : En revanche, pas un seul membre du groupe n'a avancé de points de vues critiques préexistants sur la biologie synthétique.
Des conflits d'intérêts dissimulés : tous les conflits d'intérêts n'ont pas été divulgués dans le Conflict of Interest Statement signé par les membres du groupe à l'UICN. Certains de ces conflits non divulgués impliquent le président du groupe de travail.
Les Pays du Sud et les Peuples autochtones : une participation purement symbolique : l'étude a été rédigée par un groupe de personnes issues en grande majorité des pays du nord. Dans ce processus, seules sept personnes proviennent des pays du Sud, et seules trois d'entre elles ont été repertoriées comme contributeurs (sur 37). En outre, on n'y trouve qu'un seul représentant des peuples autochtones, et ce malgré le fait que plus de six résolutions de l'UICN exigent leur inclusion significative dans les processus d'élaboration des politiques de cet organisme.
« Ce rapport fournit une perspective biaisée d'un groupe aligné sur le point de vue de l'industrie de la biotechnologie, ce qui n'est pas suffisant pour instruire les débats sur les politiques à venir, avec toutes les précautions attendues de l'UICN », signale Thomas.
« Ce processus était tellement déséquilibré qu'il faudrait maintenant un rapport et un processus supplémentaires avant que ne soit établie une politique de l'UICN sur la biologie synthétique. Un nouveau rapport doit s'appuyer sur un choix d'auteurs et de points de vues plus équilibré et traiter les conflits d'intérêts avec plus de rigueur ».