octobre 05, 2018

Organisations et mouvements demandent l’arrêt de la géo-ingénierie

Ne touchez pas à Mère Nature!

Pour diffusion immédiate

5 Octobre 2018

Document collectif de ETC Group, Indigenous Environmental Network, Friends of the Earth International, La Via Campesina, Climate Justice Alliance et BiofuelWatch.

Dans un Manifeste ayant reçu un grand appui et qui a été diffusé aujourd’hui, 23 organisations internationales, 6 récipiendaires du prix Nobel alternatif et 87 organisations nationales provenant de 5 continents ont appelé à un arrêt des tests et à la prise en compte des effets politiques de la géo-ingénierie climatique. Parmi les signataires figurent notamment des mouvements issus des peuples autochtones, des agriculteurs ainsi que des réseaux se consacrant à la justice climatique et à la protection de l’environnement.

Le Manifeste a été diffusé en même temps que la rencontre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en Corée du Sud, laquelle visait à débattre du nouveau rapport portant sur la manière de limiter le réchauffement climatique à 1.5 degrés Celsius. Plusieurs prédisent que le rapport va promouvoir l’usage controversé et non-éprouvé de techniques de géo-ingénierie climatique.  

 La géo-ingénierie climatique fait référence à une série de solutions techniques et théoriques s’appliquant à grande échelle et visant à réduire les changements climatiques, ce qui pourrait avoir des effets dévastateurs sur l'environnement, les écosystèmes et les communautés du monde entier. Les défenseurs de ces pratiques affirment que la géo-ingénierie atténuerait les symptômes du changement climatique en abaissant les températures de la Terre soit en bloquant une partie des rayons du soleil ou en réfléchissant la lumière du soleil dans l’espace, ou encore en capturant le dioxyde de carbone dans l’atmosphère pour le stocker indéfiniment sous terre ou dans les océans.

Le concept est largement promu par un petit groupe de gouvernements, de corporations et de scientifiques parmi les pays les plus puissants et les plus polluants, lesquels ont mené la recherche dans le domaine de la géo-ingénierie ainsi que le lobbying afin de faire de la géo-ingénierie la réponse politique au changement climatique, menant plus récemment à des expériences à ciel ouvert pour tester ces technologies.

Les signataires du manifeste contestent les bénéfices proclamés issus de la géo-ingénierie et souhaitent mettre en évidence le grand risque posé par ces technologies, dont le fait que leur déploiement pourrait empirer les impacts des changements climatiques. Les signataires appellent à :

Bannir toutes les expériences de géo-ingénierie et leur déploiement.

Un arrêt de toutes les expériences en plein air, y compris: le projet SCoPEx à Tucson, en Arizona, qui propose d’injecter des particules de sulfate et d’autres matériaux dans l’atmosphère pour tester leur efficacité à bloquer le soleil; le projet Ice911 en Alaska, qui viserait à disperser des millions de minuscules bulles de verre sur la glace arctique pour ralentir la fonte et réfléchir la lumière du soleil; le Marine Cloud Brightening Project à Monterey Bay en Californie, qui injecterait de l'eau salée dans les nuages pour les blanchir et réfléchir la lumière du soleil; et le projet de fertilisation des océans Oceanos au Chili. Les trois expériences américaines sont planifiées sur des territoires autochtones ancestraux et traditionnels.

Un arrêt de tous les projets de séquestration géologique du dioxyde de carbone et du captage direct de l'air à grande échelle, car ils perpétuent l'extraction et la combustion de combustibles fossiles, et l’arrêt de tous les projets de bioénergie avec captage et stockage du carbone, qui en plus d'être non prouvés et techniquement irréalisables auraient de graves conséquences sur l'utilisation des terres, la sécurité alimentaire, l'environnement et la biodiversité.

Soutenir la diversité des solutions pour répondre au changement climatique, solutions déjà éprouvées et moins risquées, mais qui restent marginalisées dans les délibérations sur le changement climatique.

Le mouvement contre la géo-ingénierie est né en 2010, lorsque plus de 35 000 organisations et mouvements populaires pour la justice climatique se sont réunis à la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre Mère à Cochabamba, Bolivie, et ont déclaré leur opposition à la géo-ingénierie, lançant la campagne " Hands Off Mother Earth " (HOME Campaign) contre la géo-ingénierie. Le mois dernier, à San Francisco, à l'occasion de la Semaine de la solidarité pour des solutions (Solidarity to Solution Week) consacrée aux solutions locales aux changements climatiques, une vaste alliance, dont l'Alliance pour la justice climatique et le Réseau environnemental autochtone, a promis d'amplifier et de revigorer la campagne HOME. Cela a été jugé essentiel en raison de la présence croissante de la géo-ingénierie climatique dans les négociations et parmi les universitaires, y compris les propositions d'essais en plein air des technologies. Une nouvelle impulsion a été donné au mouvement international pour stopper la géo-ingénierie et être solidaire des communautés et des organisations qui résistent aux expériences de géo-ingénierie.

Téléchargez le manifeste: Anglais, Français et Espagnol

Contact médias:

Trudi Zundel, ETC Group, trudi@etcgroup.org, cell +1 (226) 979 0993

Alliance pour la justice climatique: (CJA)

Cynthia Mellon (United States), cynthia@climatejusticealliance.org

Le réseau environnemental autochtone: (IEN)

Tom Goldtooth, ien@igc.org

Tonatierra Nahuacalli, Ambassade des peuples autochtones: 

Tupac Enrique Acosta (Arizona, États-Unis), chantlaca@tonatierra.org

Amis de la Terre internationale:

Dipti Bhatnagar (Mozambique), dipti@foei.org;

Sara Shaw (London), sara.shaw@foe.co.uk

La Via Campesina:

Paula Gioia (Allemagne), paula.gioia@eurovia.org

ETC Group:

Silvia Ribeiro (Mexique), silvia@etcgroup.org

Neth Daño (Philippines), neth@etcgroup.org

Biofuelwatch:

Rachel Smolker (États-Unis), rsmolker@riseup.net

 

Pour plus d’informations:

www.geoengineeringmonitor.org

Rapport: The Big Bad Fix. The case against geoengineering

Information sur la géo-ingénierie et les expériences à l’air libre:

SCoPEx Project, à Tucson, Arizona

Ice911 Project, en Alaska

Marine Cloud Brightening Project ( Projet d’éclaircissement des nuages marins) à Monterrey Bay, California

Oceanos ocean fertilization project (Projet de fertilisation des océans) au Chili.

 

Témoignages des signataires

 

Cynthia Mellon, Alliance pour la justice climatique

«Certaines branches industrielles soutiennent les projets de géo-ingénierie, prétendant proposer une solution sans avoir à éliminer progressivement l’utilisation de combustibles fossiles ni à réduire leurs émissions de carbone. La géo-ingénierie ne fait rien pour s'attaquer aux causes profondes du changement climatique. Cela fait plutôt partie d'un effort pour tirer profit de la crise climatique. Nous devons travailler avec détermination pour exposer les risques liés à ces projets et veiller à ce qu'ils ne soient pas mis en œuvre. La géo-ingénierie nous entraîne sur une fausse voie, improductive et dangereuse. C’est pourquoi nous disons: Ne touchez pas à mère nature!  »

 

Karin Nansen, Directrice des Amis de la Terre International

«La géo-ingénierie est une distraction dangereuse et risquée des solutions réelles à la crise climatique. Nous avons besoin d'une transformation complète de nos systèmes énergétiques, de nos systèmes alimentaires et de nos systèmes économiques. Mais les pays riches, les sociétés transnationales et d’autres puissants groupes d’intérêts désirent ardemment détourner notre attention du changement de système et de la réduction radicale des émissions à leur source. Les Amis de la Terre International rejettent la géo-ingénierie à grande échelle comme étant une technologie non éprouvée qui pourrait conduire à l'accaparement de terres ou de ressources et à la dépossession des communautés locales. »

 

Tom BK Goldtooth, Directeur du Réseau environnemental autochtone

"En tant que peuples autochtones, nous sommes unis dans notre opposition à toutes les formes de géo-ingénierie. En tant qu'êtres humains, nous dépendons entièrement de notre relation respectueuse avec le monde naturel.Tout ce que le monde dominant fait a une grande portée que nous ne pouvons prédire. Nous sommes maintenant confrontés à de nombreuses conséquences de l'exploitation du monde naturel qui menacent l’existence future de toute vie sur notre Terre-Mère. Affirmer que la connaissance humaine a progressé et que nous pouvons prédire avec une certitude absolue qu'aucun dommage n’aura lieu en conséquence de nos actions est catégoriquement faux. Nos enseignements traditionnels autochtones, nos modes de vie, notre spiritualité, nos cultures et le leadership de notre peuple nous soutiennent depuis des millénaires et continueront de le faire pour d'innombrables générations futures, mais seulement si le monde adhère aux Lois naturelles de la Création et au principe de précaution. »

 

Tupac Enrique Acosta, Tonatierra Nahuacalli, Ambassade des peuples autochtones, Arizona, États-Unis.

«Du point de vue des peuples autochtones, les projets de géo-ingénierie que nous voyons aujourd'hui sont le prolongement historique d'une longue histoire d'invasions sur nos territoires et nos cultures, telles que les massacres des grandes plaines du buffle au XIXe siècle et l'invasion du Mexique par les OGM. produits du maïs visés par l'ALENA en 1994. Les projets de géo-ingénierie répondent parfaitement aux intérêts des consortiums gouvernementaux, financiers et industriels qui ont mené à la dévastation écologique, le génocide et la dépossession territoriale de nos nations d'origine. Avec les projets phares de la géo-ingénierie d’aujourd’hui, tels que SCoPEx à Tucson, nous voyons les voiles se profiler à l’horizon d’une autre flottille d’invasions comme la Niña, la Pinta, la Santa Maria - ou la Mayflower. Cette fois, c'est le ciel lui-même qui est commercialisé et marchandisé. Nous sommes solidaires et attachés aux protocoles de Cochabamba pour la défense de l'intégrité territoriale de la Terre nourricière et nous disons NON à la géo-ingénierie! Nous refusons d’y consentir. »

 

Silvia Ribeiro, Latin America Director, ETC Group

«Les propositions de géo-ingénierie constituent une combinaison dangereuse: les technologies d’élimination du dioxyde de carbone proposées par les géo-ingénieurs pour supprimer le carbone de l’atmosphère ne sont pas réalisables sur le plan économique, auraient des effets dévastateurs sur les terres et l’environnement à l’échelle requise et ne contribueraient probablement même pas à atténuer les changements climatiques. Si nous mettons en place ces stratégies et qu'elles échouent, les géo-ingénieurs et les gouvernements polluants vont considérer la gestion du rayonnement solaire comme le seul remède contre le changement climatique - un ensemble de propositions très risquées aux origines militaires et potentiellement transformables en armes. Nous pouvons voir que le gouvernement des États-Unis, le plus grand émetteur historique, est exactement sur cette voie avec son mélange de déni climatique et de promotion agressive de la géo-ingénierie.»

 

 

Rachel Smolker, Co-Directrice de Biofuelwatch, États-Unis.

«Nous savons que les effets du changement climatique sont désastreux. Certains membres de la clique géo-ingénierique affirment maintenant que les impacts du changement climatique seront pires que ceux de la géo-ingénierie. Mais chaque technofix de l'arsenal de la géo-ingénierie ne fera qu'empirer les choses. La bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS) en est un bon exemple: si cela était techniquement réalisable, il faudrait une telle quantité de biomasse que la terre serait dénudée des forêts et que la production alimentaire serait sérieusement entravée. En outre, il y a peu de raisons de penser que les émissions de carbone - provenant des combustibles fossiles ou de la bioénergie - peuvent être stockées en toute sécurité dans le sol à long terme. Nous avons besoin de solutions éprouvées, telles que la protection des écosystèmes naturels et le soutien d'initiatives de conservation communautaires. »

 

Vandana Shiva, Navdanya, Inde

«L'esprit mécanique de la maîtrise et du contrôle est à la base de la crise écologique, y compris du changement climatique. Cela ne peut pas être la base de la résolution du problème climatique par une manipulation plus imprudente de la géo-ingénierie. Comme l’avait prévenu Einstein: «Vous ne pouvez pas résoudre un problème avec le même état d’esprit qui l’a créé». Notre Terre fragile, complexe et auto-organisée ne peut faire l’objet de manipulations plus violentes. Dans l'agriculture écologique, qui renvoie les matières organiques au sol, nous disposons d'une solution non violente, testée et éprouvée pour refroidir la planète, tout en cultivant une nourriture plus abondante et de meilleure qualité. ”

 

Nnimmo Bassey, Health of Mother Earth (HOME) Foundation, Nigeria

«Il est inacceptable qu’alors que les nations subissent les impacts brutaux du changement climatique, les entreprises à but lucratif envisagent de coloniser le ciel par la géo-ingénierie, nient le réchauffement climatique et maintiennent l'inaction climatique. Le monde doit se sevrer de l’utilisation des combustibles fossiles tout en réduisant les émissions à la source et en ne permettant aucune manipulation du climat susceptible d'entraîner plus de dommages en Afrique et dans les autres territoires. »